Le nouvel article de Pierre Giresse, professeur émérite au CEFREM a été publié le 6 juin 2020. Il a ensuite fait l'objet d'un résumé dans le journal Science le 24 Juillet 2020. 

 

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GIRESSE, P., MALEY, J., CHEPSTOW-LUSTY, A., 2020. Understanding the 2500 yr BP rainforest crisis in West and Central Africa in the framework of the Late Holocene: Pluridisciplinary analysis and multi-archive reconstruction. Global Planetary Change, 192, https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2020.103257

De nombreuses restitutions paléoclimatiques et préhistoriques témoignent aux échelles locales ou régionales de l’Afrique centrale tropicale d’une importante crise de la grande forêt tropicale humide qui est intervenue entre environ 2500 et 2000 ans BP (Late Holocene Rainforest  Crisis, LHRC). Le large synchronisme de ce processus est remarquable car elle a été attestée à la fois dans de nombreux lacs profonds dans les forêt de plaine ou de montagne, dans des zones inondées à la lisière des zones forestières et dans des forêts marécageuses où les oscillations du toit de la nappe phréatique aboutissent à des émersions temporaires.
En parallèle, une chronologie de l’apparition dans ces régions des premières populations Bantou est attestée par témoins ponctuels de feux, de défrichage, voire de métallurgie. Dans un contexte de migration graduelle vers le sud à travers l’espace centrafricain, le nombre de vestiges de campements ne s’élève qu’après 2350 ans BP, mais pas avant 25000 ans BP. Cependant des auteurs ont interprété le signal géochimique de la recrudescence de l’érosion dans le bassin du Congo ou celui de l’ouverture de la forêt sur les versants du lac Barombi Mbo au Cameroun comme les conséquences des défrichages agricoles ou de la combustion du bois nécessaire à la métallurgie du fer. En bref, ces tout premiers colons Bantou en très modeste densité peuvent être à ’origine de quelques dégradations localisées du paysage (défrichages, feux de brousse, début de métallurgie), mais, en aucun cas, ne peuvent être tenus responsables directement ou indirectement des changements synchrones du niveau des lacs, du drainage de grandes étendues marécageuses ou d’ouvertures de la canopée forestière qui furent contrôlées par l’allongement de la saison sèche. La reconquête des plantes héliophiles, comme le palmier à huile (Elaeis guineensis) fût favorisé par des disperseurs de fruits comme les chimpanzés doit être clairement considéré comme un phénomène naturel.
En conséquence, on peut conclure qu’il n’existe pas de données disponibles pour valider l’hypothèse selon laquelle de grandes érosions ou des destructions du couvert végétal seraient la conséquence de large mouvements de populations humaines. En fait, l’évolution environnementale de l’Afrique centrale est liée à des réponses naturelles induites par des processus climatiques généraux dont on a pu observer la simultanéité non seulement dans le nord et l’est du continent africain, mais à une échelle globale. La reconquête naturelle et la résiliences des forêts pendant ces derniers siècles contrastent avec la précarité des ces dernières décennies.

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